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lundi 23 septembre 2013

Odette Carignan

« Pendant des siècles nos vastes plaines restèrent endormies, allongées sous un ciel d’un bleu impeccable, caressées par les vents chauds de l’ouest ou attaquées, cinglées par la bise impitoyable du nord. Selon la saison, elles se laissaient bercer.

            Un jour, des hommes l’ont éveillée cette terre vierge, pour la rendre fertile. En quelques années, elle fut bouleversée, déchirée, dépouillée et même brûlée. C’est ainsi qu’elle devint notre berceau.

            Ces hommes qui ont tiré les premières raies de charrues ont atteint leur récompense éternelle. Malheureusement, ces héros de l’Ouest ont passé sur cette terre en silence, et personne n’a essayé de chanter leurs louanges. Leurs histoires demeurent inconnues… Nous sommes encore un peuple sans histoire. »*

Sommes-nous un peuple sans histoire ? À lire ces mots qui ouvrent l’introduction du livre d’Odette Carignan Mon Homestead, Mes amours, nous pourrions nous poser la question. Si, vraiment, nous sommes un peuple sans histoire cela n’est pas du fait de la plume de l’artiste qui a laissé de nombreux ouvrages littéraires : romans, récits, poèmes ou œuvres théâtrales.

La communauté de Ponteix est, aujourd’hui, orpheline d’une grande dame qui a su faire vibrer la belle langue qu’est le français au travers de ses engagements et de son art. Odette Carignan maniait les mots avec talent. Elle était, également, peintre.

Pour moi, cette journée est importante. Arrivée au pays en plein hiver, en novembre 2006, mon premier contact avec cette femme d’exception s’est fait au moyen d’un pain. Pour un peu, je vous verrais hausser les sourcils derrière l’écran de votre ordinateur, votre tablette ou votre téléphone intelligent… à moins que vous n’ayez choisi d’imprimer ce texte plus long que la moyenne, histoire de ne pas trop fatiguer vos yeux. Quel rapport entre maintenant, l’hiver 2006 et ce pain ? Les détails, l’atmosphère, les souvenirs et les sensations : voilà où réside le rapport.

En cet hiver 2006, donc, un membre de la famille de Mme Carignan m’a apporté un pain et une invitation : « Elle te souhaite la bienvenue et espère te rencontrer bientôt ». Et, en effet, notre rencontre eut lieu peu de temps après. Lorsqu’on débarque de nulle part – a fortiori d’un pays où il fait beaucoup moins froid en hiver – on est plus que sensible aux bontés d’autrui. Cette coutume, gentillesse ou attention n’est pas, non plus, habituelle en France. C’est peut-être pour cela que je l’avais tellement remarquée. Pour cela, ou parce qu’en me tendant ce pain maison, on m’a dit : « Elle l’a fait pour toi ».

Odette avait une oreille attentive et un grand sens de l’humour en plus de sa générosité. Elle s’est toujours tenue au courant de ce qui se passait dans la communauté et m’a guidée, plus d’une fois, en m’éclairant de ses conseils avisés.

Elle a contribué, à travers sa démarche artistique et ses choix de vie, à l’élan de la culture francophone de notre petite ville, de notre province et de la langue française à travers le pays.

Alors, à votre avis, sommes-nous vraiment un peuple sans histoire ?

Cindy Legrand

"Mon Homestead, Mes amours", Odette Carignan, Les Éditions Louis Riel, 1985, Regina

Merci à Pascale et Lise pour leurs relectures et corrections !

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“For centuries our vast plains remained asleep, laid under an open blue sky, caressed with warm West winds or was attacked and slashed by the cold and harsh North wind. Depending on the season, they let themselves be gently rocked.

One day, men awoke this virgin territory, to make it profitable for agriculture. In just a few years it was broken, torned, stripped and even burnt: this is how it became our cradle.

The men who pulled the first ploughs have attained their eternal award. Unfortunately, these unspoken West heroes passed from this earth silently and nobody ever sung their praises. Their stories remain untold... We are a people without history.”*

Are we a people without history? By reading the introduction of Odette Carignan’s “Mon Homestead, Mes amours”, we wonder if it is true. If we are people without history, it is not because of the artist who left numerous literary works. She wrote novels, stories, poems and plays.

The Ponteix Community, today, is an orphan: orphan from a lady who demonstrated commitment through her art and her way of life towards the beautiful French language. Odette Carignan knew how to deal with words. She was also a painter.

For me, this is an important day. When I arrived in November 2006, the first contact we had was because of a load of bread. Bread? Are you kidding me? This is probably what you are thinking by reading these words in front of your computer or tablet or smart phone screens, but maybe you decided to print out that text on a paper to spare your eyes with a too long reading. What is the point in talking about this today, the winter 2006 and that bread? Well, the point is in the details, the atmosphere, the memories and the emotions.

The winter of 2006, a member of Mrs Carignan’s family brought me a load of bread and an invitation: “She welcomes you and wishes to meet you soon.” And we met. When arriving from afar – especially from a country where winter sounds like a joke in Saskatchewan – we are receptive to attentions. This tradition or kindness to offer gifts to newcomers is not a habit in France; maybe that is why it impressed me so much. That or the fact I was told: “She made it for you”.

In addition to being generous, Odette knew how to listen people and had a great sense of humour. She was involved in her community and showed me the way more than once by providing good advices and offering guidance in several questions.

She contributed to the francophone culture of our little town, our province and to the French language across the country.

So, do you really think we are a people with no history?

Cindy Legrand

*"Mon Homestead, Mes anours", Odette Carignan, Les Éditions Louis Riel, 1985, Regina

Thanks Pascale and Lise, for your proofreading and error fixing!

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