« Pendant des siècles nos
vastes plaines restèrent endormies, allongées sous un ciel d’un bleu
impeccable, caressées par les vents chauds de l’ouest ou attaquées, cinglées
par la bise impitoyable du nord. Selon la saison, elles se laissaient bercer.
Un jour,
des hommes l’ont éveillée cette terre vierge, pour la rendre fertile. En
quelques années, elle fut bouleversée, déchirée, dépouillée et même brûlée.
C’est ainsi qu’elle devint notre berceau.
Ces
hommes qui ont tiré les premières raies de charrues ont atteint leur récompense
éternelle. Malheureusement, ces héros de l’Ouest ont passé sur cette terre en
silence, et personne n’a essayé de chanter leurs louanges. Leurs histoires
demeurent inconnues… Nous sommes encore un peuple sans histoire. »*
Sommes-nous un peuple sans
histoire ? À lire ces mots qui ouvrent l’introduction du livre d’Odette
Carignan Mon Homestead, Mes amours,
nous pourrions nous poser la question. Si, vraiment, nous sommes un peuple sans
histoire cela n’est pas du fait de la plume de l’artiste qui a laissé de
nombreux ouvrages littéraires : romans, récits, poèmes ou œuvres
théâtrales.
La communauté de Ponteix est,
aujourd’hui, orpheline d’une grande dame qui a su faire vibrer la belle langue
qu’est le français au travers de ses engagements et de son art. Odette Carignan
maniait les mots avec talent. Elle était, également, peintre.
Pour moi, cette journée est
importante. Arrivée au pays en plein hiver, en novembre 2006, mon premier
contact avec cette femme d’exception s’est fait au moyen d’un pain. Pour un
peu, je vous verrais hausser les sourcils derrière l’écran de votre ordinateur,
votre tablette ou votre téléphone intelligent… à moins que vous n’ayez choisi
d’imprimer ce texte plus long que la moyenne, histoire de ne pas trop fatiguer
vos yeux. Quel rapport entre maintenant, l’hiver 2006 et ce pain ? Les détails,
l’atmosphère, les souvenirs et les sensations : voilà où réside le
rapport.
En cet hiver 2006, donc, un
membre de la famille de Mme Carignan m’a apporté un pain et une
invitation : « Elle te souhaite la bienvenue et espère te rencontrer
bientôt ». Et, en effet, notre rencontre eut lieu peu de temps après. Lorsqu’on
débarque de nulle part – a fortiori
d’un pays où il fait beaucoup moins froid en hiver – on est plus que sensible
aux bontés d’autrui. Cette coutume, gentillesse ou attention n’est pas, non
plus, habituelle en France. C’est peut-être pour cela que je l’avais tellement
remarquée. Pour cela, ou parce qu’en me tendant ce pain maison, on m’a
dit : « Elle l’a fait pour toi ».
Odette avait une oreille
attentive et un grand sens de l’humour en plus de sa générosité. Elle s’est
toujours tenue au courant de ce qui se passait dans la communauté et m’a guidée,
plus d’une fois, en m’éclairant de ses conseils avisés.
Elle a contribué, à travers sa
démarche artistique et ses choix de vie, à l’élan de la culture francophone de
notre petite ville, de notre province et de la langue française à travers le
pays.
Alors, à votre avis,
sommes-nous vraiment un peuple sans histoire ?
Cindy Legrand
* "Mon Homestead, Mes amours", Odette Carignan, Les Éditions Louis Riel, 1985, Regina
Merci à Pascale et Lise pour leurs relectures et corrections !
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“For centuries our vast plains remained asleep, laid
under an open blue sky, caressed with warm West winds or was attacked and
slashed by the cold and harsh North wind. Depending on the season, they let
themselves be gently rocked.
One day, men awoke this virgin territory, to make it
profitable for agriculture. In just a few years it was broken, torned, stripped
and even burnt: this is how it became our cradle.
The men who pulled the first ploughs have attained
their eternal award. Unfortunately, these unspoken West heroes passed from this
earth silently and nobody ever sung their praises. Their stories remain
untold... We are a people without history.”*
Are we a people without history? By reading the
introduction of Odette Carignan’s “Mon Homestead, Mes amours”, we wonder if it
is true. If we are people without history, it is not because of the artist who
left numerous literary works. She wrote novels, stories, poems and plays.
The Ponteix Community, today, is an orphan: orphan
from a lady who demonstrated commitment through her art and her way of life
towards the beautiful French language. Odette Carignan knew how to deal with
words. She was also a painter.
For me, this is an important day. When I arrived in
November 2006, the first contact we had was because of a load of bread. Bread?
Are you kidding me? This is probably what you are thinking by reading these words
in front of your computer or tablet or smart phone screens, but maybe you
decided to print out that text on a paper to spare your eyes with a too long
reading. What is the point in talking about this today, the winter 2006 and
that bread? Well, the point is in the details, the atmosphere, the memories and
the emotions.
The winter of 2006, a member of Mrs Carignan’s family
brought me a load of bread and an invitation: “She welcomes you and wishes to
meet you soon.” And we met. When arriving from afar – especially from a country
where winter sounds like a joke in Saskatchewan – we are receptive to
attentions. This tradition or kindness to offer gifts to newcomers is not a
habit in France; maybe that is why it impressed me so much. That or the fact I
was told: “She made it for you”.
In addition to being generous, Odette knew how to
listen people and had a great sense of humour. She was involved in her
community and showed me the way more than once by providing good advices and
offering guidance in several questions.
She contributed to the francophone culture of our little
town, our province and to the French language across the country.
So, do you really think we are a people with no
history?
Cindy Legrand
*"Mon Homestead, Mes anours", Odette Carignan, Les Éditions Louis Riel, 1985, Regina
Thanks Pascale and Lise, for your proofreading and error fixing!